CHAPEAU BAS
Des types de son calibre, il n'y en a désormais plus. Même Bob Dylan a lâché sa petite larme, c'est pour dire. Pour être honnête, ce n'était pas ma tasse de thé et mis à part ses grands classiques, je n'étais pas trop fan de ses chansons. Par contre ses textes sont fabuleux et intemporels, ou l'amour est décliné à toute les sauces de la poésie pour faire découvrir les facettes que même parfois la misogynie n'arrive pas à chasser la beauté des mots. Il savait être avant gardiste avec élégance pouvant aborder les maux de la société sans compromis. Je préférais le voir sur la pellicule car il savait y mettre de la lumière. Malgré quelques nanars alimentaires, la grosse partie de sa filmographie réserve des bijoux à voir ou revoir.Alors pour lui rendre hommage j'ai choisi de mettre des bribes de ses paroles dans des petites fictions mettant en scène tous les maires du bassin d'Arcachon. Mais avant tout... chapeau bas Monsieur Charles Aznavour.
Après avoir été débouté au tribunal par la libanaise chéguévarienne alias Anny Bey, « Crème antirides » alias Yves Foulon maire d'Arcachon n'arrive pas à surmonter cette humiliation. A son bureau, il pleure toutes les larmes de son corps et il vient de finir la boite de Kleenex tapissant le vieux parquet en chêne. Heureusement Vévette alias Yvette Maupilé son adjointe déboule avec une boite neuve dans ses mains :
« - Allons Monseigneur, il ne faut pas se mettre dans un état pareil. N'oubliez pas qu'un fauteuil de sénateur peut vous tendre les bras.
-j´étais le plus grand des grands fantaisistes
Faisant un succès si fort que les gens m´acclamaient debout
Je m´voyais déjà cherchant dans ma liste
Celle qui le soir pourrait par faveur se pendre à mon cou
Mes traits ont vieilli, bien sûr, sous mon maquillage
Mais la voix est là, le geste est précis et j´ai du ressort
Mon cœur s´est aigri un peu en prenant de l´âge
Mais j'ai des idées, j'connais mon métier et j´y crois encore.
-Bon... je crois qu'il vous faut un bon mojito pour noyer tout cela. »répond Vévette
Les embrouilles et les tuiles n’arrêtent pas de pleuvoir sur la tête de « Don Saluste » alias Michel Sammarcelli maire de Lège Cap Ferret. Voilà ti pas que certains piochent dans les caisses publics. Assis à une table pour déguster des huîtres entre amis, il est totalement absent à la conversation alors le patron s'aventure à lui faire la remarque. Le regard vide il se lève de sa chaise pour clamer haut et fort cette tirade :
« -À corps perdu J'ai couru assoiffé, obstiné vers l'horizon, l'illusion vers l'abstrait
En sacrifiant, c'est navrant.Je m'en accuse à présent
Mes relations vraiment, sont haut placées
Décorées très influentes, bedonnantes
Des gens bien, ils sont sérieux mais près d'eux
J'ai toujours le regret de mes amis, mes amours, mes emmerdes
-T'as raison. Comme disait Chirac, les emmerdes ça volent toujours en escadrilles répond hilare« l'indien de la presqu’île » alias Benoît Bartherotte qui venait d'entrer.
« La ségolène des esteys » alias Nathalie le Yondre et un promoteur immobilier se rendent sur l'ancienne décharge toxique fraîchement réhabilité. Elle se jette dans l'herbe qui a repoussé pour la humer, la toucher délicatement en fermant les yeux :
« -Qui m'aurait dit qu'un jour sans l'avoir provoqué
Le destin tout à coup nous mettrait face à face
Je croyais que tout meurt avec le temps qui passe
Non je n'ai rien oublié
Je ne sais trop que dire, ni par où commencer
Les souvenirs foisonnent, envahissent ma tête
Et mon passé revient du fond de sa défaite
Non je n'ai rien oublié, rien oublié.
-Bon.. je la pose ou ma pancarte ? répond le promoteur.
« Niniche »alias Jean Jacques Eroles maire de la Teste du buch en a gros sur la patate. Il ne supporte plus la main mise et les mesquineries de ses voisins. Il voudrait bien montrer qu'il a tout pour devenir le chef. Alors il file sur la dune du pilat pour que le coucher de soleil sur le banc d'Arguin lui apporte la force nécessaire pour réaliser son rêve. Les bras levés, il braille vers l'horizon :
« -Laissez-le vivre ses enfers, ses traits de folie
Laissez-le vivre, cessez de régenter sa vie
Laissez-le vivre, au gré de ses inspirations
Et terrasser par sa passion tous ses démons
Laissez-le vivre, votre égoïsme n’a plus cours
Laissez-le vivre, offrez-lui plutôt votre amour
Qu’il se délivre de Dieu, de vous et du passé
Laissez-le vivre, laissez-le vivre, laissez-le vivre pour exister.
-Il va la fermer le drogué ou je lui en colle une... »
Les ronflements de son mari lui arrivent aux oreilles. Il est temps pour « Marine Morano » alias Marie Larrue maire de Lanton de remplir son carnet intime dans le calme.
Pour Marine,
« Ta voix rauque qui m'excite et me trouble
Me donne l'impression de devenir ton double
Que mon cœur bat si fort, que ma passion redouble
Quand je me coule en toi, que j'aime, j'aime, j'aime ca
Tes râles entrecoupés de mots inaudibles
Qui tout au long de la nuit prennent mon cœur pour cible
Que ma peau et ta peau jouent les indévisibles
Dans un torrent de joie, que j'aime, j'aime, j'aime ca. »
Elle relit soigneusement chaque mot en essuyant ses yeux embués puis éteint la petite lampe de chevet.
En remontant dans le temps on s'aperçoit que l'âme du grand Charles Aznavour n'était jamais bien loin. Après avoir refusé la venue de migrants sur ses terres, « Le Squale » alias Jean Guy Perrière maire d'Arès profitait d'un apéro bien arrosé pour pousser la chansonnette :
« -Un Mexicain basané est allongé sur le sol, le sombrero sur le nez
En guise, en guise... En guise, en guise...En guise de parasol
J'ai une soif du tonnerre. Il faudrait trouver un gars pour jouer un verre en trois coups de dé
Je ne vois que des fauchés tout autour de moi et d'ailleurs ils ont l'air de tricher aussi bien que moi
Et pourtant j'ai le gosier comme un buvard. Ça m'arrangerait bougrement s'il pouvait pleuvoir. »
Comme ce jour lors du conseil municipal d'Andernos ou Droppy alias « Jean Yves Rosazza d'un ton shakespearien apostrophait sa première adjointe
« -Et chaque mot est un coup bas. Je me demande souvent pourquoi
Tu montres tant de mauvaise foi et j'appréhende ces moments-là
Où je ne sais que faire ou dire. Tu me désoles quand tu m'affoles.
Les mots comme les objets volent et dans un vacarme insensé
Tu vas et viens et ma parole à te voir, je crois assister à La Mégère apprivoisée
Tu me fais face le doigt pointé et me menace de tout quitter
Et ça m'agace de constater que tu nages en plein délire
Après l'orage, le silence tu boudes isolée dans ton coin
Comme l'enfant en pénitence punie d'avoir été trop loin. »
Après avoir fait couper 28 platanes « La Baleine » alias Marie Hélène des Esgaulx maire de Gujan Mestras se recueille devant les troncs entassés sur le trottoir :
« -Mon arbre, mon petit, qui peut dire à l'avance
Ou le bonheur finit quand le malheur commence
Le drame de la vie sans auteur ni dialogue
Qui s"écrit à huis clos se joue à notre insu
Les plaisirs innocents n'en sont que le prologue
Les paradis promis ont l'enfer pour issue
En regardant fleurir tes printemps pleins de grâce
je n'ai pas sous tes rires éventé tes angoisses
Peut-être pas non plus assez dit que je t'aime
Ni suffisamment pris le temps d'être avec toi
Que tu as dû souffrir en secret de problèmes
A présent c'est mon tour perdu dans mes pourquoi. »
Elle allume un cierge en faisant un signe de croix puis glisse à l'oreille de son adjoint :
« Bon allez, débarrasse moi de ces merdes sinon les gueux ne vont pas arrêter de pleurnicher. »
Sur une question sur le glyphosate « Le Béguey petit coq en gascon » alias Bruno Lafon maire de Facture Biganos répond :
« Je suis chatouilleux de nature , je l'avoue j'ai le sang bouillant
Ça m'entraîne dans les aventures les plus cocasses évidemment
L'autre soir dans un café , je me sens bousculé
Par qui, je ne sais pas , il était derrière moi
D'un bond je me lève, hors de moi
J'ôte le veston, le gilet, la cravate
Car aux entournures je n'aime pas être gêné
Ce n'est vraiment pas pour vous faire de l'épate
Mais j'ai horreur qu'on me marche sur les pieds.
-Et sur la Smurfitt propre ?!
Pour « El Francisco » alias François Déluga maire du Teich rien ne va plus. Ses projets tombent presque tous à l’eau et des problèmes existentiels lui rongent la vie.
« -Être quelqu'un de différent ne serais-ce qu'un court moment
avec un autre caractère , se transformer, changer de voix
être celui que l'on est pas pour voir l'effet que ça peut faire
être responsable ou léger spirituel ou mal embauché sortir de sa vie routinière
changer de style, de vie et de nom, se moquer du quand dira t'on , être différent.
-Et puis quoi encore ?! Tu n'as qu'à devenir moine tant que tu y es. répond la « Baleine ».
Pour clore cet hommage, j'ai trouvé cette petite pépite qui reprend un standard d'une vieille chanson juive. De la fraîcheur et du bonheur au son de l'accordéon. Simple mais efficace..J'aime bien.