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LE CRI DE LA BERNACHE
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LE CRI DE LA BERNACHE
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23 janvier 2011

AVEC OU SANS MODERATION

Bar_New_York_Voigtlander_Bessa

L’autre jour, j’ai entendu à la radio, la chanson « Rhum pomme » du dernier album de Juliette qui m’a replongé dans mon passé http://www.deezer.com/fr/music/juliette/rhum-pomme-TFRUM71002173#music/juliette.

Cette artiste n’est pas vraiment ma tasse de thé mais je dois avouer qu’elle a un immense talent. Ses textes sont réalistes avec une touche de poésie à la Boris Vian.On se laisse facilement avoir à sa fantaisie. La chanson parle de gens qui rentrent dans un bar pour commander des boissons improbables pour paraître original aux yeux des autres. Dans ma jeunesse, quand j’étais jeune et beau, j’ai fait quelques saisons comme barman dans un lieu branché sur la cote atlantique. J’étais surtout là pour mon pote le patron sachant qu’il pouvait avoir confiance en moi et que j’étais là pour me faire du fric afin de passer l’hiver au chaud. Je n’étais pas comme Tom Cruise dans le film « Cocktails ». J’étais le gars qui prenait les commandes et qui s’exécutait le plus rapidement pour répondre à la clientèle. La suite de ce que je vais vous raconter est basée sur des faits réels. Le barman doit toujours deviner à qui il a affaire pour savoir comment préparer sa commande. Faire des mojitos, des pina colada, des margaritas, des blue lagon n’est pas très difficile, sauf qu’il faut savoir le juste dosage de la touch qui ravira le client pour qu’il recommande. En ce début du mois de juin, Brigitte apparaissait au coin du comptoir pour me lancer d’une voix rauque:

« Un bloody Mary s’il vous plait. »

C’était une femme d’une quarantaine d’années,  paraissant quinze de plus avec un visage marqué par la vie avec des longues mèches de blancheur dans le blond de ses cheveux et qui tripatouillait nerveusement son boa en plumes synthétiques. Le bloody Mary est le plus dur des cocktails à réaliser car il est essentiellement commandé par des connaisseurs. Il faut savoir exactement dosé le Worcestershire, le citron et surtout la dose exacte de Vodka en complétant par un bon jus de tomate. Je rallongeais la Vodka avec une goutte supplémentaire de Tabasco. Ajoutant une pincée de céleri et deux de poivres elle avala le tout cul sec puis elle resta dans le vague quelques secondes avant de me sourire et me dire:

« Un autre s’il vous plait »

Cette dame avait la descente sévère, une reine de la beuverie,  touchée jamais coulée. Elle cherchait quelqu’un pour buter son mari pour quelques milliers de francs. C’était d’après ses dires, un infâme porc, marin pêcheur à Saint jean de Luz qui la frappait sèchement quand il revenait complètement ivre après une sortie en mer. Elle avait vidé le compte commun avant de fuir mais elle voulait surtout récupérer son fils avant que ce dernier ne paye la folie de son père. J’aimais bien Brigitte.

Il y avait aussi Mister Jo. Un sacré bonhomme à qui je dois énormément. Cette ancien professeur de littérature américaine à l’université venait passer quelques soirées au bar pour enjoliver son veuvage. Il n’aimait que le « Manhattan » mais attention, du Bourbon surdosé avec une lichette de martini et un zeste agostura sans jamais vouloir être shaker mais simplement remué énergiquement à la cuillère en retirant aussitôt les glaçons. Un rituel à lui tout seul. Il aimait faire la conversation et pouvait partir dans des délires incroyables sur les écrits de Fante , d’ Hubert Selby, de Faulkner, Carver et même Burroughs. Toujours bien habillé, un visage portant de belles rides qui lui plissaient les yeux d’un bleu éclatant dont l’éclat ressortait après quelques verres , il repartait toujours en laissant un généreux pourboire accompagné d’un clin d’œil complice. J’aimais bien Joseph.

Un soir , un groupe de jeunes en virée débarquait bruyamment avec toute la fougue d‘un début de soirée. Les filles pimpantes papotaient entre elles en ricanant comme des bécasses , les garçons fumaient cigarette sur cigarette en parlant  football et du dernier album des Cure. La bière était le breuvage essentiel avant le grand saut en discothèque. C’était vraiment bon enfant, quand Frédo entra sans même me dire bonjour pour retrouver ses amis. Un point négatif pour lui. Fils de notable, belle gueule, sape dernier cri il enflammait pas mal les filles avec un bagout incroyable. C’était celui qui régalait tout le monde, celui qui payait la bouteille de whisky en boîte de nuit. D’un coup il devenait le centre d’intérêt et toutes les oreilles écoutaient son récit. Il savait jongler entre le vrai et le faux pour ne pas entièrement se livrer et il était difficile de se faire une opinion sur sa personne. Sauf….quand il se leva pour crier:

« - Tavernier, remettez ma tournée et servez moi un Jack Daniel’s avec glace… et fissa.

En lui posant délicatement son verre rempli honteusement de glaçons, je répondais :

« Permettez moi jeune homme, de vous signaler que pour ma part le Jack Daniels n’est pas un whisky ni un bourbon mais un whiskey qui demande la plus grande attention. C’est une boisson plus souvent d’homme et le débat fait rage pour savoir si il faut mettre ou pas de la glace. Je pense que c’est un sacrilège mais on doit le servir avec un petit verre d’eau  pour enlever l’âpreté resté en bouche et mettre à côté deux ou trois glaçons pour les dames ce qui adoucira considérablement la boisson. Je conseille donc à monsieur, de ne pas trop attaquer la soirée avec ce type de breuvage, vous risqueriez de partir plus vite que prévu ratant le coche avec ces jolies demoiselles. »

A partir de ce jour là, Frédo devenait un client agréable qui ramenait de la bonne clientèle et désormais j’avais droit à Bonjour, au revoir et merci. J’aimais bien Frédo.

Cette histoire pourrait très bien se terminer ainsi, mais l’épilogue qui va suivre mérite quand même de vous être raconté.
Ainsi bien des années plus tard et jusqu’à peu, j'apprenais la destiné de chacun d’eux. Frédo avait vite pris le chemin de la fête et ses excès poussant sa libido à s’intéresser à Brigitte pour une partie délire de jambes en l’air. La dame ne se faisait pas prier, non seulement elle ne payait plus ses bloody et elle s’envoyait de temps en temps un petit jeune assez vigoureux. Elle fût assez maligne pour manipuler Frédo et lui faire commettre le pire. Ce dernier après une nuit déjantée prenait la route pour saint jean de luz et tirait à bout portant sur le mari de Brigitte avec un fusil de chasse gros calibre. Il avait pris perpétuité et devait être sûrement libérable dans peu de temps. Brigitte prenait 12 ans ferme et à sa sortie de prison, mister Jo l’attendait avec un bouquet de fleur à la main. Ils vécurent deux années ensemble mais Brigitte mourut avant lui à cause de son foie défaillant. Joseph eut les honneurs de faire la une du 20 heures de PPDA. On l’avait retrouvé mort dans son petit appartement de Toulouse, sauf qu’il était mort depuis plus de un an sans que personne ne le remarque.

manhattan_cocktail_14_big   Je crois bien que ce soir, je vais boire un Manhattan. Avec modération.

On a utilisé le Médiator sans modération, ils ont fait de l’argent sans modération mais les ministres disent qu’il faut prendre cette affaire avec modération. C’est au tour de l’aspartame d’être sous la sellette qu’il faut désormais prendre avec modération et les vendeurs de régimes la distribuent sans modération mais les cancers arrivent eux aussi sans modération.
On mange de la propagande tous les jours sans modération et les vérités sont souvent soufflées avec modération, c’est pourquoi j’aime Stéphane Guillon sans modération.

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