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LE CRI DE LA BERNACHE
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LE CRI DE LA BERNACHE
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11 septembre 2019

PARTONS A LA DÉRIVE

127-jours-a-la-derive-l-Atlantique-en-tonneau

 

 

Il y a cinq ans Paulo fêtait son demi siècle. Ce célibataire endurci, ce fêtard invétéré gras comme une loche avait invité presque la totalité de ses amis d'enfance pour une fiesta qui s'annonçait diabolique. Il n'y avait que la crème de la défonce et les seigneurs de la beuverie de la grande époque de notre jeunesse lointaine. Des retrouvailles parfois touchantes avec certains que les chemins de vie avaient égaré mais que la mémoire n'avait rien effacé. Ma santé avait obligé mon ivresse de trouver refuge dans le parfum de mes souvenirs et l'eau gazeuse à l'apéro empêche mon esprit de vouloir partir en communion avec l'euphorie. Même si j'ai appris à gérer cette frustration, quand la fête commence à basculer, la sobriété ne fait pas bon ménage avec l'envie. Ce soir là, Paulo et ses convives décidèrent de remettre le délire à son niveau maximum. Le surréalisme commençait à fuser à profusion, la fête venait d'entrer dans une autre dimension. C'est dans une petite accalmie qu'il décida de faire une annonce :

« - Mes amis... je vous annonce que je vais faire le marathon de New York... »

En réponse ce fut une quasi avalanche de rires gras et de blagues à profusion qui amenèrent le besoin de remplir les verres. Sauf qu'une immense vague de déception avait submergé mon Paulo car il pensait que le réalisme aurait pu au moins lui amener une vague de compassion ou juste une phrase d'encouragement. Cependant, il était le maître du lieu obliger de combler royalement ses invités pour justifier la représentation de l'image de sa personne que les gens se faisaient de lui. Je savais qu'il était triste mais je ne pouvais pas lui dire ma compassion à cet instant précis. J'apprenais beaucoup plus tard qu'il avait jeté aux oubliettes les cigarettes et l'alcool, que le footing occupait ses temps libre et qu'il avait même rencontré l'âme sœur sur une piste forestière....

 

Quand je vais à la rencontre de quelqu'un hors normes où hors du commun, il est intéressant de chercher les raisons d'un tel comportement. J'essaye d'avoir une curiosité sans limite pour déceler juste une once de leur secret. Jean Jacques Savin est les deux à la fois. Hors normes car il est le maître de son existence, délibérément et totalement libre comme un quetzal dans les montagnes du Guatemala puis hors du commun car ses exploits entrent aisément dans cette catégorie. Sa devise pourrait être« quand on veut, on peut..même aller au bout de ses rêves» et elle me plaît bien. Sa cabane de pêcheur dessinée de ses mains est camouflée au milieu d'une végétation luxuriante dans une rue quelconque près de la plage d'Arès sur le bassin d'Arcachon. Une charmante discrétion qui lui correspond parfaitement. C'est paisible, on s'y sent bien très vite d'autant plus que nous partageons les mêmes racines identitaires. À son approche, je ressens l'énergie incendiaire qui déborde de ses yeux pétillants. Vareuse sur le dos, cet homme svelte, taillé à la serpe me ferait passer pour son grand père tant mon embonpoint et mon manque d'activité sportive matraquent mon apparence physique. Dans notre court entretien j'ai ressenti un homme authentique qui ne triche pas, qui voit le temps qui passe à la recherche d'une ancre à sa barque en essayant d'apporter un exploit à chaque moment de sa vie. L'effondrement de l'environnement l'inquiète mais moins que son désabusement pour l'espèce humaine. Pour y faire face il a déjà prévu son plan B et il n'hésitera pas une seconde pour l'appliquer. Dans son livre, si son  incroyable odyssée y est bien expliquée, c'est aussi le portrait d'un homme ordinaire ou chacun de nous peut se retrouver mais Jean Jacques a ce petit truc en plus capable de rendre les choses tout simplement extraordinaires. Dés le départ j'avais trouvé cette aventure, géniale, me rendant même un tantinet jaloux en imaginant la quantité phénoménal de liberté que cet homme de 72 ans allait avaler. 127 jours pour trouver une plénitude à sa propre existence donnant du bon sens à l'inutile pour le faire partager à celui qui veut l'entendre. Ainsi l'impossible devient naturellement possible donnant l'exploit à cette aventure.

 

Comme avec Paulo, je les ai suivi sur internet. Pour le marathon de New york il y a une puce dans le dossard. Chaque minutes un point rouge vous indique sa position dans le parcours, chaque jour un point noir est inscrit dans l'immensité de l'océan Atlantique et quand ces deux points ont franchi la ligne d'arrivée, j'ai ressenti une immense joie, sûrement incomparable à la leur mais accompagnée d'une sincère fierté à montrer que rien n'est impossible.

 

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Pourrait on imaginer qu'à une réunion de tous les maires du bassin d'Arcachon, il y en est un qui se lève pour dire : 

« - Désormais nous allons privilégier l'environnement pour la sauvegarde du bassin d'Arcachon. »

 

Pourtant ce sont ces même mots qui sortent de leurs discours tout au long de l'année... alors c'est à croire que nous avons affaire qu'à des hommes ordinaires qui n'ont pas le petit truc en plus qui pourrait rendre de nouveau extraordinaire ce bassin d'Arcachon qui part à la dérive.

https://livre.fnac.com/a13617639/Sophie-Zeeny-127-jours-a-la-derive-l-Atlantique-en-tonneau

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Une petite pensée pour Robert Frank cet immense photographe qui vient de nous quitter. Un œil unique capable de déceler tous les paradoxes du rêve américain pour réfléchir sur notre propre identité. Une œuvre vraiment enrichissante. Essayez de trouver chaque pensée des personnes sur ce cliché.

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