Peinture de Vicente

La sénatrice Marie Hélène des Esglaux, maire de Gujan Mestras lardée d'un paréo guadeloupéen savoure sa fraiche réélection en sirotant un cocktail au champagne sur la terrasse d'une cabane de pêcheur de la presqu'île du Cap Ferret. Cette cabane appartient à un vieil ami richissime parisien qui est le petit arrière cousin de la sœur de l'oncle de son grand père du coté paternel qui fut ostréiculteur en 1926 justifiant ainsi la transition familiale. Devant ses yeux le bassin d'Arcachon resplendit de mille feux par l'été indien. Plus de touristes, plus de vroum vroum, plus de gosses qui braillent, juste une mer d'huile aux reflets orangés avec un léger vent de sud assez chaud pour lézarder sur un transat. Une plate filant à Arguin transperce la quiétude en ondulant le plan d'eau. Elle s’apprête à engloutir l'olive fixée a son pic quand cette dernière s'échappe pour sombrer au fond de son verre :

« -Merde, le petit Grégory vient de couler. »

A cet instant, dans le salon le député Yves Foulon maire d'Arcachon avec un polo Lacoste rose style famille pour tous et un short moule-boules s'acharne à enfoncer des aiguilles dans une poupée.

« - Crevure ! Chihuahua ! Nadine a raison. As tu vu comment ces tricards m'ont virer de la tribune pour être sur la photo ? Même Yann Barthès s'est foutu de ma gueule dans 'le petit journal'. Que Wauquiez et Darmanin crèvent !

-Que veux tu, sa Carla ne supporte pas le caniche. Et puis, arrêtes de miser sur le mauvais cheval. Ton Zébulon a tant de casseroles qu'il pourrait nourrir les restos du cœur pendant toute une année. Remarque, toi aussi en ce moment ce n'est pas la grande forme. Comme disait le grand «  les emmerdes ça vole toujours en escadrille » Ton futur bloc de béton sur le port, la petite fiesta au tir au vol aux senteurs Bygmalion, il ne manque plus que l'on découvre tes factures de manucures qui passent en frais communaux pour t'achever. Allez viens donc boire un absolut grand royal avec moi sur la terrasse. La vodka et le champ il n'y a rien de mieux pour te filer la banane.» répond la sénatrice en cherchant les olives dans le frigo.

-Ah ça c'est sûr ! Pour toi tout va bien la baleine ! La caillasse tu aimes ça. Encore 13000 euros par mois pour juste aller faire ripaille au repas de chasse du gros Larcher, c'est du bon business. A ce rythme, j'espère que tu vas l'avoir ton autoroute et pas jusqu'à ton bled. Pense un peu aux autres.

-Dis donc Foufou, un peu de respect avec les dames. Je ne m'appelle pas Nadine ni Nabilla. Je pense que toi aussi tu manges bien dans la gamelle mais n'essaye surtout pas de vouloir être le nouveau Balkany de ton gourou.

- Je ne sais plus ou j'en suis. Regardes, j'ai même des petites rides qui me sont apparues au coin des yeux et quelques cheveux blancs s'invitent dans ma belle tonsure. Je ne veux pas finir comme l'autre d'en face. Mates moi ça » répond le député en montrant le coin de la véranda.

Michel Sammarcelli le maire du Cap Ferret en boubou africain et babouches aux pieds se prosterne devant un poster géant d'Albert Simon. Il allume bougies et bâtons d'encens en lançant des incantations autour de lui.

« - oh grand Albert grand prophète de la météo. J'implore ta clémence pour que l’automne et l'hiver qui arrivent soient euh… automne et hiver. J'implore ta sagesse pour que les tempêtes euh...n'existent plus ou loin de chez nous. Je n'ai pas envie de finir comme René Maratier le maire de la Faute sur mer signant des permis de construire en fermant les yeux.Heureusement ta prêtresse Evelyne Dhélia nous a annoncé une semaine dans les normes de saison. Je vais pouvoir enfin souffler un peu et arrêter lexomil pour que mes nuits soient plus sereine.

-Et Michou arrête ton délire et viens nous rejoindre pour goûter mon 'Absolut grand royal'. Puis t'es si beau dans ton boubou mais si un de vous deux fait tomber l'olive au fond de son verre, il aura un gage. »

Michou se relève en remerciant Albert Simon, prend le verre pour se l'enfiler cul sec, attrape l'olive puis la jette en l'air pour retomber directement dans son gosier.

« -Moi aussi j'ai la scoumoune, les ennuis pleuvent comme à Montpellier. Aujourd'hui c'est au tour des pêcheurs et ostréiculteurs qui veulent récupérer la cabane ou tu te dores la carcasse. Ils ne comprennent pas qu'un estivant rapporte beaucoup plus qu'eux. Je vais devoir implorer le dieu Neptune pour qu'il puisse faire disparaître le naissain d’huîtres et tous les poissons. Voilà, le bassin aux gros bateaux, les cabanes aux gens très riches et les professionnels de la mer au folklore. Remplis mon verre, belle baleine... »

Soudain des rougeurs envahissent le visage de Foufou.L'olive vient de glisser doucement au fond de son verre. Il se retourne pour essayer de la récupérer discrètement mais La baleine veille au grain.

« -Dis donc petit chenapan, on essaye encore une fois de tricher ! Puis c'est quoi ce short horrible. Tu vas à la gay pride ou quoi ?

-Non non, c'est simplement pour muscler mon petit fessier. Nadine adore. » répond le député un peu vexé.

« -Un gage, un gage » beugle Michou.

« -Mon petit Foufou, nous allons danser un slow langoureux ou je vais pouvoir savoir si la fermeté de ton postérieur mérite les éloges de ta copine, sur ma chanson préférée que notre ami Michou va chanter de sa voix de ténor. Basculons nos verres et laissons nous envoûter par la douceur de l'été indien de notre si beau bassin d'Arcachon. Maestro, c'est à vous.

Michou se racle la gorge, toussote, vide son verre puis se lance en fermant les yeux :

Tu sais, je n'ai jamais été aussi heureux que ce matin-là Nous marchions sur une plage un peu comme celle-ci C'était l'automne, un automne où il faisait beau Une saison qui n'existe que dans le Nord de l'Amérique Là-bas on l'appelle l'été indien Mais c'était tout simplement le nôtre Avec ta robe longue tu ressemblais A une aquarelle de Marie Laurencin Et je me souviens, je me souviens très bien De ce que je t'ai dit ce matin-là Il y a un an, y a un siècle, y a une éternité
On ira où tu voudras, quand tu voudras Et on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort Toute la vie sera pareille à ce matin Aux couleurs de l'été indien